Volume 63, 1-2, 2022 janvier-août
/ ÉRUDIT
Philippe R. Dubois, Katryne Villeneuve-Siconnelly, Eric Montigny et Thierry Giasson
UN GRAND ÉCLATEMENT? COMPRENDRE LES RÉALIGNEMENTS ET TRANSFORMATIONS DE LA VIE POLITIQUE QUÉBÉCOISE
Depuis plusieurs années, et particulièrement au cours des derniers cycles électoraux, le paysage politique québécois se transforme. La fin du bipartisme, le renouvellement des acteurs et actrices du système politique (en ce qui concerne tant les formations politiques que les personnes élues), la nature des enjeux politiques saillants dans l’espace public et le comportement de l’électorat annoncent pour plusieurs un éclatement de la scène politique, lequel serait symptomatique d’un réalignement. Ce numéro thématique a pour objectif d’analyser comment s’articule ce phénomène et quelles sont ses conséquences sur la vie politique au Québec. Notre article introductif brosse le portrait de ces transformations, notamment en ce qui concerne les dynamiques électorales, les différents clivages politiques majeurs et les acteurs et actrices. Il montre aussi en quoi ce phénomène mérite que l’on s’y attarde en analysant, par exemple, les cycles électoraux à venir, les pratiques de communication politique en transformation et les conséquences des changements politiques sur le plan institutionnel. Il présente finalement les différentes contributions du numéro thématique.
Mots-clés : Québec; politique québécoise; réalignement politique; élections; partis politiques; clivages politiques; Coalition avenir Québec; Parti libéral du Québec; Québec solidaire; Parti québécois
Éric Bélanger et Jean-François Godbout
LES CLIVAGES POLITIQUES ET LE SYSTÈME PARTISAN DU QUÉBEC AU 21E SIÈCLE
Récemment, la nature des débats politiques qui traversent le Québec a connu une évolution significative. Cette évolution indique-t-elle un réalignement politique en cours dans la province? Faisant appel à la théorie des clivages politiques, cet article part de la prémisse que le nombre de partis politiques représentés à l’Assemblée nationale du Québec est le reflet du nombre de clivages idéologiques qui divisent à la fois l’électorat et le système partisan qui cherche à les politiser. Une analyse des données de trois sondages électoraux (2012 à 2018) permet d’explorer plus à fond cette question et révèle l’influence de trois clivages politiques – la question constitutionnelle, l’interventionnisme étatique et la gestion de la diversité – sur la configuration actuelle du système partisan québécois. Cette analyse indique toutefois que c’est uniquement le clivage sur la gestion de la diversité qui a été en mesure de modifier l’ordre de préférence des coalitions partisanes, puisque les partis ont été incapables de transformer fondamentalement l’opposition entre les souverainistes à gauche et les fédéralistes à droite. Avec l’aide des théories de l’identité sociale et de la menace intergroupe, nous discutons des raisons pour lesquelles ce nouveau clivage s’est si rapidement politisé au Québec.
Mots-clés : Québec; système partisan; clivages politiques; souveraineté; interventionnisme étatique; gestion de la diversité; insécurité identitaire
Eric Montigny et Adam Margineanu-Plante
D’INDÉPENDANTISTE À AUTONOMISTE : UNE ÉVOLUTION DU NATIONALISME QUÉBÉCOIS
Le déclin de l’appui à l’indépendance du Québec est déjà bien documenté, tout comme l’érosion du clivage Oui-Non sur la question de l'indépendance qui structurait le système partisan québécois depuis plus de 50 ans. Ce réalignement témoigne également d’une reconfiguration du discours nationaliste au Québec, particulièrement depuis l’arrivée au pouvoir de la CAQ en 2018. Dans cette veine, l’objectif de cet article est de comprendre cette évolution récente du nationalisme québécois. Sur le plan méthodologique, nous avons procédé à une analyse de la présence du nationalisme ainsi qu’à une analyse du discours de la CAQ dans les médias francophones depuis 2012. Nous avons également analysé les plateformes électorales de 2018. Nous constatons d’abord que le déclin du clivage Oui-Non à l'indépendance sur la question de l’indépendance ne se traduit pas par un déclin de la présence du nationalisme québécois dans l’espace public. Nous assistons plutôt à une transformation de celui-ci, désormais dominé par sa composante autonomiste que nous définissons en cinq axes. Sur la base des travaux de Lecours (2020), nous proposons enfin que ce nationalisme québécois contemporain n’est pas statique, mais qu’il est pour l’instant dynamique.
Mots-clés : nationalisme; Québec; autonomisme; indépendance; Coalition avenir Québec
Gustavo Gabriel Santafé et Félix Mathieu
LE PARTI LIBÉRAL DU QUÉBEC ET LE FÉDÉRALISME ÉVOLUTIF : (RÉ)ACTIONS FACE AU DOSSIER CONSTITUTIONNEL DANS LA VIE POLITIQUE QUÉBÉCOISE POST-1995
Cet article examine le positionnement idéologique du Parti libéral du Québec (PLQ) face au dossier constitutionnel et à la place du Québec au sein de la fédération canadiennne depuis 1995. Par l’intermédiaire d’une analyse de contenu qualitative de diverses sources primaires, nous soutenons qu’il s’est opéré un processus de réalignement idéologique au PLQ par lequel la formation s’est graduellement inspirée de la théorie du fédéralisme évolutif. Ce réalignement idéologique prend forme à travers trois phases qui sont marquées de moments forts en 1996, en 2001 puis en 2017. Prenant comme source normative le fédéralisme évolutif ainsi que le concept de flexibilité, cette idéologie se caractérise par une préférence pour les démarches paraconstitutionnelles visant la promotion d’ententes administratives et d’une diplomatie intergouvernementale.
Mots-clés : Parti libéral du Québec; réalignement idéologique; fédéralisme évolutif; analyse de contenu; dossier constitutionnel
Samuel Lemire
LE PROJET DE LOI 96 : LE REFLET DE L’ÉVOLUTION DU NATIONALISME LINGUISTIQUE QUÉBÉCOIS
Cette analyse vise à comprendre comment la version initiale du projet de loi 96 colmate les brèches qui ont progressivement effrité la substance originale de la Charte de la langue française (CLF) et solutionne des enjeux politiques et constitutionnels contemporains. Elle permet de cerner l’impact du réalignement sociopolitique québécois amorcé dans les années 2010 sur le droit linguistique. Elle examine également comment les questions constitutionnelles soulevées par le projet de loi 96 permettent d’envisager le début d’un nouveau cycle pour le nationalisme québécois au sein du Canada. Elle démontre enfin que ce projet de loi, qui modifie substantiellement la CLF, reflète l’évolution des débats linguistiques et du nationalisme québécois. En effet, il est constaté que cette évolution s’avère façonnée de manière marquée par le réalignement sociopolitique majeur engendré par l’élection d’un gouvernement caquiste dirigé par François Legault.
Mots-clés : Loi 101; langue; nationalisme; Québec; français; constitution; identité
Thomas Collombat et Xavier Lafrance
RECOMPOSITION DE LA GAUCHE QUÉBÉCOISE ET RÔLE POLITIQUE DU SYNDICALISME
Cet article propose une mise en perspective critique des transformations qu’a connues récemment la gauche québécoise et de leurs impacts sur l’action politique du syndicalisme. La montée en puissance de Québec solidaire (QS) est en particulier analysée, non seulement en fonction des rapports changeants entre question sociale et question nationale, mais aussi dans le contexte de l’émergence de nouveaux partis de gauche (NPG) à l’échelle internationale. Les alliances partisanes traditionnelles du syndicalisme québécois différaient déjà de celles observées au Canada anglais, en particulier en raison de la faible implantation historique du Nouveau Parti démocratique. L’arrivée de QS vient remettre en question la proximité formelle ou informelle de plusieurs secteurs du mouvement syndical avec le Parti québécois, sans pour autant créer de nouvelle hégémonie. Tant du côté syndical que du côté partisan, les dimensions stratégiques continuent d’occuper une place prépondérante dans les rapports avec l’autre sphère, et donnent lieu à une diversité de configurations ne permettant pas pour l’instant de dégager clairement un nouveau modèle dans les rapports entre syndicats et partis politiques.
Mots-clés : syndicats; Québec solidaire; partis politiques; nouveaux partis de gauche; gauche; syndicalisme
Peter Graefe et Noah Fry
LE PATRONAT ET LE NATIONALISME DANS UN QUÉBEC CONSERVATEUR
Tandis que les vingt dernières années ont été marquées par un déplacement vers la droite des pièces de l’échiquier politique québécois, culminant notamment avec l’élection d’une majorité de députés de la Coalition avenir Québec en 2018, cet article propose d’examiner les changements qu’a pu entrainer une telle trajectoire politique dans les demandes et discours du patronat québécois. À travers une étude des mémoires rédigés par le Conseil du patronat du Québec et de la Fédération des chambres de commerce du Québec, nous analysons la manière dont ces deux organisations répondent aux mutations récentes de la scène politique québécoise et en particulier à celles affectant le nationalisme québécois, lequel se concentre désormais principalement sur des thèmes identitaires après avoir délaissé la question de la souveraineté et plus largement la question constitutionnelle.
Mots-clés : patronat; nationalisme économique; politique budgétaire; politique linguistique; Conseil du patronat du Québec; Fédération des chambres de commerce du Québec
Guillaume Huot et Marc André Bodet
Hors thème_ LES CONSÉQUENCES PARLEMENTAIRES DU CAPITAL POLITIQUE : LE CAS DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC
Nous tentons de situer le capital politique dans le contexte québécois en mesurant ses conséquences parlementaires chez les élu.e.s de l’Assemblée nationale qui ont siégé depuis 2003. Pour mesurer les conséquences parlementaires du capital politique, nous étudions principalement l’impact de deux facteurs – l’expérience politique antérieure des élu.e.s à d’autres paliers gouvernementaux et les liens familiaux – sur l’accès à différents postes parlementaires d’importance. Deux séries de modèles de régression sont présentées. La première série analyse l’accession aux fonctions parlementaires des députés tout au long de leur carrière législative, alors que la seconde reprend les variables de la première série en les appliquant uniquement aux recrues parlementaires. Nous concluons que le capital politique ne peut jouer un rôle dans la carrière législative d’un individu que dans certains contextes très spécifiques. Les liens familiaux n’ont pas d’impact sur l’accès aux postes législatifs, alors que l’expérience politique fédérale ou provinciale a un léger effet positif si l’on considère l’ensemble de la carrière des élu.e.s. L’expérience politique locale (municipale ou scolaire) a des effets négatifs significatifs sur les chances d’accéder à différentes fonctions parlementaires.
Mots-clés : capital politique; fonctions parlementaires; carrières parlementaires; dynasties politiques; représentation politique; Québec
/ ÉRUDIT
Daniel Latouche
LA LONGUE QUÊTE DU RÉALIGNEMENT ÉLECTORAL AU QUÉBEC : UNE NOTE PERSONNELLE
En 1971, deux jeunes universitaires québécois, Serge Carlos et Daniel Latouche, fraichement revenus de leurs études à l’Université de Chicago, publient une critique pour le moins « musclée » du livre de Vincent Lemieux, Marcel Gilbert et André Blais, Une élection de réalignement, publié l’année précédente. Avec l’aide de deux sondages pré-électoraux, les premiers publiés au Québec, le livre dont les trois auteurs sont associés au département de science politique de l’Université Laval, démontre que l’élection provinciale de 1970 constitue une élection de réalignement, c’est-à-dire une élection où se manifestent des modifications dans les tendances à long terme, particulièrement dans les orientations partisanes des électeurs, et cela quelle que soit l’action des forces à court terme. Cinquante ans plus tard, Daniel Latouche revient sur la critique de ce livre, sur le contexte politique et universitaire de l’époque ainsi que sur les arguments mis de l’avant par les uns et les autres. Ce retour en arrière permet par la suite de suivre l’évolution du concept de réalignement à travers les 13 élections provinciales qui ont suivi.
Mots clés : élections (Québec); réalignement; partis politiques; dynamique électorale; Vincent Lemieux
/ ÉRUDIT
Éric Bédard
QUAND SE TERMINE LA RÉVOLUTION TRANQUILLE?
NOTE CRITIQUE AUTOUR DE LA RÉVOLUTION TRANQUILLE
Martin Pâquet et Stéphane Savard, Brève histoire de la Révolution tranquille, Les Éditions du Boréal, 2021, 280 p.
Andrée Fortin†
LES VINGT-CINQ GLORIEUSES DE L’ÉTAT QUÉBÉCOIS
NOTE CRITIQUE AUTOUR DE LA RÉVOLUTION TRANQUILLE
Martin Pâquet et Stéphane Savard, Brève histoire de la Révolution tranquille, Les Éditions du Boréal, 2021, 280 p.
Dominique Morin
SUR LA REPRÉSENTATION DE LA RÉVOLUTION TRANQUILLE COMME UN « BLOC »
NOTE CRITIQUE AUTOUR DE LA RÉVOLUTION TRANQUILLE
Martin Pâquet et Stéphane Savard, Brève histoire de la Révolution tranquille, Les Éditions du Boréal, 2021, 280 p.
Yvan Lamonde
Compte rendu
Compte rendu_ AUTOUR DE LA RÉVOLUTION TRANQUILLE
Martin Pâquet et Stéphane Savard, Brève histoire de la Révolution tranquille, Les Éditions du Boréal, 2021, 280 p.