LXII, 3, 2021

Volume 62, 3, 2021 septembre-décembre

Articles

Jacques Palard

Impétueuse en France, tranquille au Québec : la révolution, une commune production de la matrice catholique?

La commune et forte prégnance de l’Église catholique dans la France d’avant 1789 et dans le Québec d’avant 1960 rend légitime l’analyse comparée de la Révolution française et de la Révolution « tranquille » québécoise, malgré l’éloignement dans le temps et dans l’espace de ces deux ruptures politiques et religieuses. Cette approche donne à voir les moments clés et fondateurs du processus de conquête par l’État de son autonomie, soit dans le conflit soit sans opposition déclarée, mais, dans l’un et l’autre cas, avec l’assentiment voire la collaboration d’acteurs catholiques. L’analyse, qui souligne la distinction entre la fonction magistérielle et la fonction matricielle de l’Église, permet également d’appréhender la gestion fortement différenciée des effets religieux de la révolution.

Jean-Philippe Carlos

De la reconquête économique du Canada français à la « république coopérative » du Québec : l’idéal de coopération économique chez François-Albert Angers (1937-1976)

Cet article porte sur l’action et la pensée coopérative de François-Albert Angers (1909-2003). Économiste de formation, professeur à l’École des hautes études commerciales de Montréal et militant nationaliste, Angers fut l’un des grands promoteurs de la coopération économique au Québec entre les années 1930 et 1970. Intellectuel affilié à la famille traditionaliste, ses réflexions étaient grandement influencées par les préceptes catholiques de la Doctrine sociale de l’Église, mais aussi par le nationalisme économique développé dans l’enceinte de l’École des HEC, notamment par Esdras Minville. Proposant un modèle économique basé sur le concept de « république coopérative », Angers a su repenser en partie les cadres théoriques proposés par son mentor. Critique des dérives du capitalisme libéral et méfiant à l’égard du socialisme d’État, il a ainsi proposé une pensée économique originale qui cherchait à préserver l’héritage culturel et historique du Canada français.

Raphaël Pelletier

La mutation contemporaine du concept de région dans les manuels de géographie et son incidence sur la représentation sociogéographique de l’espace québécois

Le manuel scolaire constitue davantage que la mise en forme d’une discipline. Il s’agit d’un outil de premier ordre dans l’exercice de médiation culturelle sous-jacent à l’enseignement de la géographie et, conséquemment, d’un espace privilégié de production et de reproduction de représentations. Partant du constat que l’enseignement de la géographie au Québec a connu des transformations conceptuelles au cours de la deuxième moitié du 20e siècle, il est permis de se demander comment tout cela a pu conditionner les façons de penser géographiquement le Québec. En analysant un échantillon de manuels de géographie québécois produits entre 1957 et 2005, nous sommes amenés à concevoir que la réévaluation du contenu théorique du concept de région, passant d’une unité géographico-historique à une unité politico-administrative, combinée à son évacuation récente au profit du concept de territoire, conditionne la représentation du Québec et de ses régions.

Sylvie Paré et Sandrine Mounier

L’accessibilité différenciée à l’espace public : une analyse comparative de deux places publiques dans Hochelaga- Maisonneuve à Montréal

L’accessibilité à l’espace public n’est pas toujours la même pour toutes et tous : elle est plutôt modulée selon le genre, l’ethnicité et/ou la classe sociale. Cet article jette un éclairage sur les rapports sociaux intersectionnels qui sont en jeu dans l’accessibilité aux espaces publics, plus spécifiquement dans le contexte de transformation des quartiers centraux montréalais. Il propose l’étude des cas comparés de la place Gennevilliers-Laliberté et de la place Simon-Valois, situées toutes deux au cœur du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Depuis les années 2000, ce quartier connait non seulement d’importants réaménagements urbains, mais aussi une gentrification et une diversification ethnique de sa population, qui ne sont pas sans poser des enjeux de cohabitation. Nos données recueillies à l’aide d’observations directes et de questionnaires courts montrent que la cohabitation intergroupe sur ces deux places publiques se déroule dans un climat relativement pacifique. Alors que l’analyse fine des données met à jour des pratiques de l’espace différenciées selon le genre et l’appartenance ethnique, « l’inattention civile » dans l’espace public cache une autre réalité. Certaines personnes choisissent en effet de s’approprier l’espace périphérique en adoptant une stratégie d’évitement de l’une ou l’autre des places étudiées.

 

Ériole-Zita Nonki-Tadida

NOTE DE RECHERCHE : Harmonisation du contrôle des finances dans les organismes publics du Québec : étude de cas

Les finances publiques sont un enjeu important pour tout gouvernement. Leur contrôle est essentiel pour assurer la pérennité et l’efficacité de l’action gouvernementale. Au Québec, différents acteurs contribuent au contrôle des finances dans les organisations publiques. Cette étude de cas exploratoire cherche à savoir si trois de ces acteurs – l’audit interne, le Contrôleur des finances et le Vérificateur général –, travaillent ou non en synergie. Il en ressort que les deux premiers travaillent en silo, tandis que le troisième fait régulièrement intervenir les deux autres durant ses missions. Un renforcement de leur collaboration serait un moyen d’amélioration de la performance gouvernementale.

 

Notes critiques

Jacques Palard

Relire Fernand Dumont : voix interprétatives de l’oeuvre d’un herméneute

Marcel Olscamp

Octobre 1970 : revu ou corrigé?

Notices biographiques

Jean-Philippe Carlos

Jean-Philippe Carlos détient un doctorat en histoire de l’Université de Sherbrooke (2020). Actuellement en stage postdoctoral à l’Université York de Toronto, sous la supervision du professeur Marcel Martel, il s’intéresse à l’histoire des idées en milieu francophone, aux mouvements sociopolitiques, à l’histoire de la pensée économique ainsi qu’aux débats historiographiques. Depuis 2020, il est coordonnateur du Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal (UQAM). Il a également été chargé de cours à l’Université de Sherbrooke.

Sandrine Mounier

Sandrine Mounier détient un master en architecture de l’École nationale supérieure d’architecture de Clermont-Ferrand (France). Candidate au doctorat en études urbaines à l’Université du Québec à Montréal, elle s’intéresse notamment aux relations interethniques dans les bibliothèques publiques et les équipements de quartier, à l’action locale de gestion de la diversité et aux pratiques sociospatiales différenciées des femmes. Avec Sylvie Paré, elle a publié « Perceptions of the Hochelaga-Maisonneuve Neighbourhood in Montreal: A Textual Analysis of Written Media », dans Culture et gouvernance locale (2021).

Eriole-Zita Nonki Tadida

Eriole Zita Nonki Tadida est doctorante en science politique et membre du Centre d’analyse des politiques publiques (CAPP) de l’Université Laval. Ses intérêts de recherche sont axés sur le management public, les contrôles et audits dans l’administration publique. Sa thèse porte sur le rôle des institutions supérieures de contrôle dans la lutte contre la corruption. Avec P.-M. Daigneault, elle a publié « L’indépendance des auditeurs internes dans l’administration publique du Québec », dans Revue Gouvernance / Governance Review, 17-1 (2020).

Jacques Palard

Jacques Palard est directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (Centre Émile-Durkheim, Institut d’études politiques de Bordeaux). Ses travaux, menés en France et au Canada, portent sur deux domaines de recherche : les rapports entre religion et politique, considérés tout particulièrement du point de vue de l’évolution du catholicisme, et les transformations de la gouverne territoriale. Il a publié notamment La Beauce inc. Capital social et capitalisme régional (Presses de l’Université de Montréal, 2009) et Dieu a changé au Québec. Regards sur un catholicisme à l’épreuve du politique (Presses de l’Université Laval, 2010).

Sylvie Paré

Professeure titulaire au Département d’études urbaines et touristiques de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal, Sylvie Paré est membre du réseau Villes Régions Monde, de l’IREF et du RéQEF. Ses intérêts de recherche sont l’entrepreneuriat immigrant féminin, dans les contextes urbains et régionaux, la transformation des quartiers, dont la Cité-Jardin du Tricentenaire et le quartier Hochelaga-Maisonneuve, et la gestion de la diversité en milieu municipal. Avec Sandrine Mounier, elle a publié « Perceptions of the Hochelaga-Maisonneuve Neighbourhood in Montreal: A Textual Analysis of Written Media », dans Culture et gouvernance locale (2021).

Raphaël Pelletier

Candidat au doctorat en science, technologie et société à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et membre du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST), Raphaël Pelletier poursuit des recherches sur l’histoire de la géographie au Canada depuis l’après-guerre dans une perspective sociologique. Titulaire d’une maîtrise en géographie de l’Université d’Ottawa, il a également mené une étude sur l’histoire des manuels de géographie québécois produits depuis la Révolution tranquille. Ses travaux sur la question ont également été publiés dans Revue d’histoire de l’éducation/Historical Studies in Education ainsi que dans Revue d’études canadiennes/Journal of Canadian Studies.